Tout d’abord commençons par planter quelques bases de logistique. Pour faire fonctionner une usine, il vous faut : du personnel, quatre murs, un toit, des machines et de la matière première.
Sans ce dernier élément, difficile de transformer quoi que ce soit. Dans l’industrie plastique, nous utilisons cette chose étrange en granulés appelée : le Polypropylène. (Le polypropylène (ou polypropène) isotactique, de sigle PP (ou PPi) et de formule chimique (-CH2-CH(CH3)-)n, est un polymère thermoplastique semi-cristallin de grande consommation.) c’est fait pour la minute culture.
Chaque mois il nous en faut des tonnes et des tonnes… Nous mettons ça dans un camion et après une longue route, plusieurs passages de frontières et quelques arrêts aux douanes le tout arrive à Luga !
Maintenant, petite question de logique : Quelle est la condition sine qua non pour faire avancer un poids lourd ? Du diesel ! Oui, mais aussi ? Des pneus ! Certes , et encore ? Un chauffeur ! Aller une dernière chance…. Heuuu…. Un moteur ? Bien vu mais il manque encore quelque chose !
C’est noir, long et dur … une route , évidemment!!
Les routes ! Je vous en avais déjà parlé lors d’un précédent article. ( On my way to work !) D’ailleurs le fameux pont a finalement subi une véritable reconstruction, je vous laisse admirer les travaux .
Les routes donc: elles sont généralement dans un état désastreux et la seule, l’unique qui mène à notre usine, j’ai nommé la grande’ « Bolshaya Zareshnaya » ne fait pas exception à la règle. Comme nous avons un minimum de savoir vivre, nous faisons reboucher les trous chaque année ! Mais cela ne suffit apparemment pas aux administrateurs » locaux.
Non seulement ils souhaitent que nous prenions en charge la reconstruction totale de la route, mais en plus en leur payant directement dans la poche la modique somme de… beaucoup de roubles (il y a souvent beaucoup de zéros dans les roubles) . Ils auraient l’amabilité de se charger « eux-mêmes » des travaux. Un cousin par-ci , hop un frangin par là, un patte graissée par ici… appelez ça du clientélisme, de la corruption ou de l’escroquerie
Je vous rassure la position de notre directeur a toujours été ferme « non, nous ne cèderons pas au racket sinon, nous n’en finirons jamais de payer ».
Mais les russes ont de la suite dans les idées…
Pour nous mettre un petit coup de pression, ils ont tout simplement eu le génie de poser un panneau « route interdite au camion ». Et là vous faites le lien avec le camion, le polypropylène et tout le tintouin. Pas de route : pas de camion. Pas de camion : pas de polypropylène. Pas de polypropylène : pas de production. Pas de production…. Pas de production (et là c’est la loose).
N’est-ce pas de toute grandeur ? Mais chez Faurecia on ne va pas se laisser faire par un pauvre panneau. Nous avons l’arme ultime : un sac poubelle. (Première mesure préventive)
Mais pas seulement, nous avons aussi mené une action juridique avec la police et surtout, les employés ont rédigé une lettre ouverte dans le journal local.
Cet article rappelle à tout un chacun à quel point Luga est géré par des incapables qui n’ont pas compris qu’avoir une usine de 350 personnes dans un village en extinction comme celui-ci pouvait être une manne.
Ma partie favorite reste « de toute façon il y a des trous et des déchets dans tout Luga et pas un seul jardin d’enfant dans un état acceptable, je pense que tous les habitants de Luga seront d’accord avec nous » aussi, ils expliquent que « dans cette usine il y a du travail avec un salaire fixe et assuré, de la formation et la chance de travailler dans un groupe international ».
Je suis plutôt fière de mes collègues qui s’offusquent d’une telle bêtise et qui (même si nous sommes à une échelle microscopique comparée à la taille du pays) luttent avec leurs moyens contre la corruption du quotidien.
Depuis tout est revenu dans l’ordre, les trous réapparaissent au fur et à mesure et personne n’a l’autorisation légale de bloquer nos livraisons ! C’est pas beau la vie ? On a du plastique et on peut à nouveau vous fournir des planches de bord à foison !!
A bientôt, Laura